Lundi 18 Août, je vais avec vintz, ami de Castre, visiter les Pans de Travassac, une ardoisière.
Ouverte au public à partir de 1997, c'est le premier site de ''tourisme industriel'', permettant de découvrir le travail des ardoisiers.
On fait mention du gisement d'ardoise de Travassac depuis 1616 (dont une partie aurait été détenue par les chevaliers de Malte) puis la création de
la Compagnie des Ardoisières de Corrèze en 1849 par la famille Jouvenel. (Ici, le saut de la bergère, 140m de hauteur, dont une bonne partie sous l'eau : )
Au XVI - XVIIème siècle, les ardoises servaient de pierres à bâtir, et grâce aux propriétés de la roche (étanche, fine et plane),
elle remplace les toits de chaume (alourdissant considérablement le poids de la toiture tout de même !).
L'ardoisière des pans de Travassac compte 7 filons chacun nommé par les ardoisiers et pouvant atteindre 140m de profondeur. Le point de la Fayotte
mesure 100m, dont 75 sous l'eau (à cause des pluies, l'ardoise étant étanche, l'eau ne peut s'échapper, les ardoisiers étaient obligés de pomper l'eau en continue
pour pouvoir continuer à exploiter le filon).
L'ardoise est une roche sédimentaire (fond des océans par exemple) horizontale. Elle se redresse à la verticale à cause des poussées tectoniques (pas le truc qui veut être une danse,
je parle du terme géologique provenant de la dérive des continent et du travail des plaques dites tectoniques entre elles, exercant des forces colossales). Mais l'ardoise peut ne pas
être homogène (''propre'') : des veines de quartz peuvent se former dans les plaques, dans des microfissures qui, avec le temps et la force du quartz, plus dur que l'ardoise, par s'agrandire
et être comblées par du quartz de nouveau, déformant le clivage des pans. Une ardoise avec du quartz ne peut pas être utilisée pour les toit à cause de la fragilité occasionnée.
Entre les filons, les ardoisiers creusaient des percées afin de transporter l'ardoise d'un filon à l'autre (la couleur orangée est dûe à la présence d'oxyde de fer) :
En entrant dans le premier filon, contigüe à celui du saut de la bergère, nous passons sur une passerelle métallique au-dessus de l'eau (il y a beaucoup de profondeur, et la largeur étant d'environ
8 à 10 mètres, les personnes sujettes à la claustrophobie peuvent se sentir mal à l'aise, oppressées).
Une nouvelle percée nous amène au filon suivant, où le guide nous explique comment sont débités les blocs d'ardoises de plus d'une tonne : les paroies sont creusées
de trous de mine pouvant atteindre 1m de profondeur, avec un angle entre 10° et 20° par rapport au plan de la falaise, formant ainsi un angle aigüe. Au fond de ce trou
est tassé une charge de poudre à canon (pas de dynamite, l'explosion étant trop sèche, elle réduirait la dalle en des millions de morceaux complètement inexploitables) afin de décoller
l'énorme plaque du pan. Les explosions peuvent, de temps en temps faire des sortes de sculptures originales (un escargot et un papillon par exemple) :
Pendant que nous remontons le filon, le guide nous explique que le site a connu son âge d'or aux alentours de 1900 et comptait entre 200 et 250 employés, à la fin de la seconde
guerre mondiale, avec la découverte du fibro-ciment et des matériaux composites, l'ardoisière a commencée à décliner, comme toutes les ardoisières.
Une percée nous amène au-dessus de la précédente passerelle, pour le point de vue (nous voyons par où nous sommes entrés dans les filons) :
Sortant du filon, nous arrivons vers le lieu de taille, à l'ancienne, avec une des huttes d'ardoisier :
Là, le guide passe la main à l'ardoisier pour les explications et les démonstrations de taille. Il nous explique qu'il ne reste aujourd'hui plus que 4 ardoisiers sur le site, et que
ce dernier n'a pas fermé grâce à la qualité très haut de gamme de l'ardoise qui s'y trouve (une porosité inférieur à 2%, produisant une ardoise très fine, très lisse de base (bien meilleure que les ardoises
provenant de Chine)). La pierre est d'excellente qualité, mais capricieuse, pour qu'elle soit bonne, il faut qu'elle sonne d'une certaine façon quand on la tape, un peu comme une cloche.
À cause de ça, le taux de déchet atteint 80% ! les rejets sont soit cassants, soit possèdent un mauvais son. Les déchets peuvent être utilisés poru de la décoration bas de gamme, ou pour des allées en petits morceaux.
Les plus beaux morceaux (pas déchets donc) sont utilisés pour les toitures.
Les ardoises de toit sont taillées de différentes manières suivant l'épaisseur que le tailleur peut en tirer : fines (3 - 4mm d'épaisseur), elles seront principalement rectangulaires;
fortes (13 - 15mm d'épaisseur) elles seront principalement taillées en ogive. MAis avant d'en arriver là, l'ardoisier doit débiter le bloc d'une tonne (le rebillage), ensuite le repantons
et enfin le clivage, afin d'obtenir les feuilles (fines ou fortes). En une journée de travail, un ardoisier peut sortir entre 600 et 700 ardoises.
L'ardoisier taille les feuilles en fonction de la demande du client, en ce moment, et depuis plusieurs années, un client très important a commandé 1'500m² d'ardoises et en a rajouté encore
1'400m²... afin de rénover les toitures de tout le Mont-Saint-Michel ! Les ardoises mesures 25 x 20 cm et 15 à 22mm d'épaisseur, de forme rectangulaire.
Mais il faut savoir que la pose des ardoises ne se fait pas ''bout à bout'', afin d'assurer une bonne étanchéité, il faut faire un recouvrement... là où une tuile normale se contente d'un
recouvrement de 30 à 50%, l'ardoise en demande 66,67% : le tier supérieur où est fixé le clou (en cuivre ou inox pour ne pas rouiller) s'appelle ''le recouvrement'' (recouvert par 2 épaisseurs d'ardoise),
le tier central s'appelle ''le faux-pureau'' (recouvert d'une épaisseur d'ardoise) et enfin le tier inférieur est appelé ''le pureau'', lui est à l'air libre. Les ardoises sont fixées en chevauchement
horizontale aussi d'une ligne à l'autre, afin d'étanchéifier et recouvrire la fente laissée entre les 2 ardoises du dessous. Au final, ce système de recouvrement permet de protéger la toiture des infiltrations,
mais, pèse lourd : entre 30 et 35 kg / m² pour les ardoises fines et entre 50 et 55 kg / m² pour les ardoises fortes. Faites pour durer (plus de 1'000 ans sans que rien ne bouge, si bien fixées), les ardoises
sont ici d'une des meilleures qualité au monde... et comme toute qualité, celà se paye ! Hors-taxes et hors-pose, le m² d'ardoises coûte 60€. Mais avec la pose et les taxes, le prix grimpe à 200€ !
La suite de la visite continue avec une grande descente dans un autre filon, le temps de descendre les marches, nous sentons rapidement le froid
nous entourer et l'humidité augmenter !
Ici-bas, sous une arche de pierre, dans une percée agrandie se trouve le musée de l'ardoisière, avec des outils utilisés ici, des photos, documents remontant loin dans le temps ainsi
qu'un petit reportage-vidéo datant de 1968 (pour France 3 si je me trompe pas) racontant le fonctionnement et l'histoire des ardoisières de travassac.
Enfin, la sortie, avec des petits bancs et un magasin dédié à l'ardoise (bijoux, plats, tableaux, sculptures) et quelques produits de la région (miel corrézien,
liqueur de noix, moutarde violette, etc...).
Pour retourner à la voiture, nous devons remonter à pieds, par un sentier le long de la falaise tout ce que nous avions descendues avec les marches !
Au final, c'est un site que je recommande à voir, au moins une fois, et de préférence par beau temps ! Ils sont fermés pendant la saison froide et le prix n'est pas exorbitant.
Au passage, au-dessus du parking du haut, on peut ramasser quelques bouts d'ardoise qui traînent par terre et qui font partis des déchets... cette ardoise possédant un grain très fin,
une fois préparée, peut servir pour aiguiser les couteaux (je me sers personnellement d'un morceau que j'utilise depuis 2006 et avec un affûtage de temps en temps, mon couteau coupe toujours aussi bien,
pas besoin de faire 50 aller-retour et on ne se retrouve pas avec une lame en dents de scie ! ).